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Intelligence artificielle réfléchissant devant un panneau solaire dans un contexte d'énergies renouvelables.

L’intelligence artificielle et les énergies renouvelables

05/01/2023 - 09:55
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Intelligence artificielle réfléchissant devant un panneau solaire dans un contexte d'énergies renouvelables.

Le terme d’intelligence artificielle (I.A) est partout. Depuis une dizaine d’années, il est annoncé comme un game changer, et à force de trop en parler, on finit par oublier ce que recouvre ce terme.

L’objet de cet article n’est pas d’expliquer les différents types d’I.A (apprentissage supervisé, non supervisé, par renforcement, etc.) mais plutôt d’examiner ce que l’Intelligence artificielle peut faire pour les énergies renouvelables, et en un mot, beaucoup !

Pour commencer, l’I.A, contrairement à ce que son nom laisse supposer, n’est pas intelligente, du moins selon l’acceptation standard du mot, soit la faculté de comprendre, de connaître ; la qualité d’un esprit qui comprend et s’adapte rapidement, selon le Petit Robert.

Il suffit de parler à un assistant vocal "intelligent", ou encore d’observer, de préférence derrière le volant, le comportement d’une voiture prétendument autonome, pour s’apercevoir qu’il ne s’agit pas de compréhension par l’abstraction, ou même par la réflexion…

Il s’agit du traitement d’un flux considérable de données passées au crible d’algorithmes qui permettront, dans une certaine mesure prévue par les développeurs, un apprentissage dit profond (deep learning, notamment) et la réalisation de certaines actions, y compris complexes, comme la conduite d’un véhicule...

Et c’est justement là que cela devient intéressant !

L’esprit humain n’est pas capable d’exploiter ni de corréler de phénoménales quantités de données (le cerveau n’est conçu que pour traiter et gérer les informations de ses capteurs biologiques) l’I.A couplée à des ordinateurs suffisamment puissants, n’a pas ce genre de limite...

Faites ingérer à une I.A programmée pour cela, toutes les données émises par tous les capteurs d’un grand parc éoliens pendant trois ans.

Ajoutez-y, l’ensemble des données météorologiques de cette région, voire du pays, pendant la même période, sans oublier les données de consommation du réseau électrique.

A partir de là, une intelligence artificielle sera capable de prédire, avec une faible marge d’erreur qui s’amenuisera encore avec le temps, la quantité d’énergie que produiront les éoliennes à un instant T, diminuant du même coup l’imprévisibilité de cette énergie, l’un de ses principaux défauts…

De plus, l’I.A peut aussi ingurgiter toutes les interventions de réparation et de maintenance effectuées pendant ces trois années, et les corréler avec les informations déjà assimilées (météo, production électrique, rapport des capteurs) et prédire quand aura lieu une panne et sur quel composant, ce qui permettra bien souvent de l’éviter…

L'aérologie, cruciale pour un parc éolien...

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Éolienne avec du vent, l'aérologie est majeure dans les énergies renouvelables.

Dès lors, les opérations de maintenance deviennent préventives, donc moins coûteuses, et seront réalisées quand l’I.A prédira que le vent sera faible ou nul, ce qui minimisera d’autant la perte d’exploitation due à l’arrêt de l’éolienne !   

Avant ce cercle vertueux, dans l'incapacité d’analyser et de corréler toutes les données pour une prédiction fine de la durée de vie probable d’un composant à un endroit donné, sous des contraintes données, on essayait d’anticiper les pannes de façon figée.

Un constructeur estimait la durée de vie d’une pale, d’un rotor, ou d’un onduleur, et préconisait son changement à intervalle régulier, intervalle le plus souvent largement sous-estimé pour des raisons de prudence, de réputation, sans exclure la manne (colossale) apportée par le changement régulier des pièces d’usure…

Ainsi, l’exploitation d’un champ d’éoliennes peut être largement optimisée par l.A, en production comme en maintenance, et cette efficience apporte un gain substantiel à tous les niveaux : les coûts d'entretien sont calculés au plus juste, et la production augmente, comme la fiabilité et la sécurité…

Et qu’en est-il des autres énergies renouvelables ?

Pareil !

Quelle que soit l’installation de production, elle pourra bénéficier d’un logiciel d’I.A et de tous les avantages de l’exemple précédent, mais pas seulement…

En effet, l’apport le plus important de l’intelligence artificielle est peut-être celui de la convergence des sources.

On a vu que si elle n’était pas vraiment intelligente, l’I.A avait pour elle une capacité quasiment illimitée à traiter de grands volumes de données : et si on lui confiait toutes les données du réseau électrique d’un pays comme la Suisse ?   

Comme dans beaucoup de pays, la transition énergétique nous oblige de passer à un réseau centralisé, composé d’une poignée de fournisseurs d’électricité gérant de grands ouvrages (centrales hydrauliques, nucléaires, thermiques) à un modèle beaucoup plus éclaté ou les énergies renouvelables seront captées partout où cela est pertinent, y compris chez les particuliers !

Comment passer d’un modèle qui gère quelques milliers de sources d’énergie à un autre qui en gère plusieurs millions, pour commencer ?

Avec l’I.A bien sûr !

Une maintenance IA, en particulier lors des tempêtes, pour préserver le réseau.

Qui produit où, quand, en quelles quantités, quelle sont les besoins immédiats du pays, mais aussi ceux de l’heure d’après, de demain ou de l’hiver prochain ?

L’intelligence artificielle est capable de répondre à tout cela…  À condition qu’on la nourrisse !

Et que mange une I.A ? Des données, beaucoup de données ! C’est le Big Data, cette profusion de données numériques recueillies à l’échelle planétaire.

En Suisse, nous avons un réseau électrique. Un réseau de communication numérique aussi ; et il s’agit de les relier entre eux !

À l’exemple du très contesté Linky de nos voisins français, chaque consommateur, en priorité ceux qui sont aussi producteurs d’énergie (panneaux solaires, petites éoliennes, notamment) devront passer à un compteur numérique connecté et à une installation bidirectionnelle, ce qui est déjà largement le cas.

Comme tous les grands producteurs d’électricité, leurs centrales, et les services météo sont déjà connectés, voilà pour les données. L’I.A peut maintenant les analyser, et graduellement gérer en temps réel tout le réseau suisse d’approvisionnement électrique, y compris les importations et les exportations quand elles s’avèrent nécessaires.

Chantier titanesque ?

Oui, à l’image de la transition énergétique.

Risqué ?

Un peu, comme avec toutes les nouvelles technologies ; mais l’humain reste dans la boucle ! En particulier pour règlementer l’usage qui pourra être fait des données récoltées massivement…

Réalisable dans un proche avenir ?

Oui, de préférence. Comme dans l’exemple du champ d’éoliennes, seule une gestion surinformée, prédictive, adaptée en temps réel aux circonstances et aux particularités du pays permettra d’atteindre un tel niveau d’efficience.

En conclusion, si l’I.A peut devenir un Big Brother particulièrement étouffant, bien gérée et dotée des algorithmes adéquats, elle peut aussi augmenter nos capacités au point de nous permettre, pourquoi pas, d’atteindre l’objectif de 100 % d’énergies renouvelables en 2050 voulu par le Conseil Fédéral, objectif qui pour beaucoup, semble toujours utopique…